Blessures invisibles
soigner le traumatisme des hommes et des lieux
Saint-Malo (35), France
Saint-Cast-le-Guildo (22), France
Raphaël Lambotte
Jury :
Lionel Lemire - Directeur(trice) de Diplôme
Alain Pelissier - Président(e) de Soutenance
Emmanuel Choupis - Enseignant(e) Extérieur(e)
Marie Boussaud - Expert(e)
David Telerman - Jeune Architecte DESA
Marc Le Cœur - Candide
Nous sommes aujourd’hui entrés dans une ère de la violence et de la destruction. Le conflit en Ukraine fut un choc pour beaucoup d’entre-nous, mais les guerres n’ont en réalité jamais cessé dans l’Histoire. Elles s’étaient simplement déplacées : entre 1959 et 2021, la France s’était engagée dans 177 OPEX, nouveau nom des opérations militaires à l’étranger. Bien que souvent invisible, car dissimulée à nos yeux, la destruction humaine continue de s’étendre. Les conflits se poursuivent, et la violence fait désormais partie intégrante de notre société.
Au-delà des blessures visibles sur les corps, que faisons-nous des blessures invisibles de l’esprit ? De La Rochefoucauld disait que « ni la mort ni le Soleil ne se peuvent regarder en face ». Qu’en est-il de ces hommes et de ces femmes qui ont vécu l’instant de leur mort, mais sont encore vivants ? Comment vivre lorsqu’on a déjà vécu la fin de sa propre vie ? Ces blessures invisibles de l’esprit sont aujourd’hui catégorisées dans les troubles de stress post-traumatiques (PTSD en anglais). Et au-delà des plaies des hommes, qu’en est-il de celles de la Terre ? Ces territoires saccagés sous l’étendard de la guerre ou du dérèglement climatique.
Ce diplôme se positionne ainsi comme une chance d’explorer les capacités de l’architecture à régénérer et catalyser la guérison. Le projet se scinde en 2 programmes se faisant face sur la côte bretonne, près de St Malo : un centre curatif pour les victimes de PTSD à Saint-Cast et la réhabilitation de l’île bombardée de Cézembre.
Dans le centre curatif, l’architecture est pensée pour protéger les patients : éviter les agressions sonores du port, abolir les murs pour ouvrir vers le ciel, retrouver une singularité dans son lieu de repos avec des chambres toutes différentes, adoucir les déplacements par les courbes intérieures. L’architecture cherche également à reconnecter les individus à leur propre corps, par des cours de danse, de natation ou de gymnastique, mais aussi aux différents temps où ils évoluent. Le temps éternel de la pierre, le temps long du végétal, le temps quotidien du Soleil, celui horaire des marées, le temps en secondes des hommes, mais aussi le temps du vent, éternel inconstant.
Sur l’île de Cézembre, qui demeure aujourd’hui encore le lieu d’Europe le plus bombardé au m² et où il est interdit de marcher, l’île sera déminée par étapes, pour ne pas détruire la faune et la flore qui s’y sont réinstallées. Dans les vestiges des bunkers de l’île, entre les canons fondus par la chaleur des bombes et le béton éventré, l’architecture s’installera comme un nouveau médium entre la nature et le monde des hommes. Un lieu plus discret, plus respectueux, à la manière d’observatoires ornithologiques. Dans les casemates, des interventions architecturales, inspirées par les vers du Cimetière marin de Paul Valéry, permettront de donner une nouvelle identité à cette île, au-delà du symbole actuel de la destruction des hommes. Une façon aussi, pour les patients du centre curatif qui regarderont Cézembre, de voir un lieu qui a, lui aussi, achevé son parcours vers la résilience.