Musée de la folie, Raphaël Lambotte

Musée de la folie, Raphaël Lambotte
Musée de la folie
Neuilly-sur-Marne (93), France

Raphaël Lambotte
Master 1 / Semestre 1

Enseignant(e/s) d’atelier :
Thomas Codelfy
José Luis Fuentes
Antonio Lazo
Marco Stathopulos

Groupe de travail :
Alexandre Le Canderff
Raphaël Dormeau
Lubin Gandillot
Raphaël Lambotte
Lorie Laroche

Le site de l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, à Neuilly-sur-Marne, nous confronte à un choix. Un choix relatif à l’histoire de ce lieu, si ancienne, si forte, et parfois si violente qu’elle peut être effrayante. Ce peut être le choix, en construisant la ville par-dessus, d’ignorer délibérément cette histoire, de la bâillonner et de l’enfermer dans le passé. Mais il subsiste aussi le choix de faire face à cette histoire, de la regarder d’un œil calme, serein et humain. Car, au-delà des drames bien connus de l’histoire, il est aussi possible de découvrir bien plus que des camisoles de force, des électrochocs ou des cellules d’internement. Bien plus que ceux que nous qualifions de fous. Ce projet est issu de ce second choix.

Il est difficile de qualifier ce projet : est-ce un musée ? Un mémorial ? Un parcours initiatique ? Cette architecture est, à sa manière, un peu des 3. Mais elle est, avant tout, une invitation. Une invitation à laisser de côté nos à priori, nos craintes, nos idées reçues et nos jugements hâtifs. Une invitation à nous intéresser à la folie. Qu’est-ce que la folie ? Il serait possible d’en donner une infinité de définitions, ou, du moins, autant de définitions qu’il existe d’humains, car elle n’est, en réalité, rien d’autre qu’une différence d’esprit inexplicable pour un individu.

A travers le parcours, nous découvrons des fragments d’histoire de Ville-Evrard, des objets aujourd’hui conservés dans le grenier qui sert de musée d’appoint pour la SERHEP (Société d’Etudes et de Recherche Historiques en Psychiatrie), mais aussi des objets provenant d’ailleurs, tout autant d’invitations différentes à en découvrir l’histoire.

L’architecture se tord, se plie, se brise, se lacère pour créer les espaces intérieurs, tentant de faire ressentir au visiteur une émotion. A vrai dire, le parcours mémoriel commence bien avant l’entrée du musée, lorsque l’on pénètre dans l’ancien asile. Autour de nous, le château, la chapelle, et les pavillons de l’asile, portent des noms de constellations. C’est là qu’étaient internés les patients. Un côté pour les femmes, un autre pour les hommes. On aperçoit la bibliothèque, aujourd’hui inoccupée. Les rayonnages, immenses, ne portent plus un seul livre. C’est par ce bâtiment que les patients arrivaient à l’asile et devaient déposer leurs vêtements et leurs possessions dans de grands baluchons de draps blancs, qui leur étaient rendus à leur sortie. Mais bon nombre d’entre-eux ne sortiraient jamais, et à leur mort, ces ballots deviendraient alors le linceul de leurs possessions antérieurs. Aujourd’hui, les baluchons subsistent et il n’est pas possible de les ouvrir. Ils s’entassent dans cette bibliothèque vide, abandonnés par tous.

Au-delà de son parcours mémoriel, le musée fou est aussi le lieu d’exposition d’un art singulier, l’art brut. Pratiqué par les fous ou les enfants, l’art brut est probablement l’expression la plus naturelle et la plus authentique de l’art humain. Composée d’œuvres conservés à Ville-Evrard, cette collection vient être complétée par une invitation à l’expression directe du visiteur à la craie. Ainsi, la mise en résonance de cet art à pour objectif de montrer un autre visage du fou. Le fou n’est alors plus un incapable dans la société normée, mais un demi-dieu, capable, lui seul, d’atteindre un état créateur artistique sans limite.

Ce projet ne peut prétendre apporter de réponse universelle sur la question de la folie. Mais l’expérience qu’il propose nous pousse à questionner ce que nous avons pour habitude d’ignorer, de refuser d’interroger. Penser y devient alors une urgence, car en découvrant une partie de l’Histoire si souvent occultée, nous revêtons, d’une certaine manière, l’habit du fou, et nous comprenons qu’en réalité, nous pourrions être à sa place.

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